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vendredi 23 décembre 2011

Liège, une ville italienne sans consulat

Ville touristique, ville accueillante, ville de passage à l'intersection de trois frontières, Liège est cosmopolite comme l'atteste la composition de sa population. Pour s'en rendre compte, il suffit de flâner le dimanche matin sur le marché de la Batte. L'immigration italienne et maghrébine a renforcé dans cette contrée du Nord les accents et la chaleur humaine propres au pays du Sud. Ce brassage des cultures contribue au charme de la Cité ardente. «Espérance, cela voulait dire 'espoir' en Italien. C'est vers ce charbonnage-là que je suis parti», raconte un ancien mineur italien. Après la guerre, la Belgique a besoin de pouvoir extraire beaucoup de charbon, principale source d'énergie à l'époque. Le 23 juin 1946, elle signe avec l'Italie l'accord «minatori-carbone» : des hommes contre du charbon. Cet accord marque le début d'une immigration massive. Cinquante mille travailleurs italiens seront «importés» en Belgique, en échange de sacs de charbon, dont le tonnage varie en fonction des résultats de la production.

 
En Italie, après la guerre, les couches les plus populaires sont au bord de la famine. Le Parti communiste, fort de son expérience dans la Résistance antifasciste, dirige pas mal de révoltes sociales. Pour éviter d'être renversés, les riches et leur gouvernement voient l'émigration comme une «soupape». Ce n'est donc pas toujours par choix que des milliers de jeunes travailleurs embarquent dans les trains vers le nord. L'arrivée et l'installation en Belgique sont pénibles. La cohabitation avec la population belge n'est pas facile au début. Les Italiens, qui, à la fois par ignorance et nécessité, acceptent des salaires au rabais, sont considérés comme des concurrents. Beaucoup se souviennent encore d'avoir été traités de «macaroni». Mais peu à peu, les nouveaux arrivés participent aux luttes sociales, pour faire reconnaître la silicose comme maladie professionnelle, contre les fermetures dès la fin des années soixante, puis plus tard dans les autres secteurs de l'économie. Aux côtés des travailleurs belges, espagnols, polonais, yougoslaves et, plus tard, marocains, turcs, africains. Des luttes qui ont permis et permettent encore d'améliorer le sort de tous les travailleurs. Petit à petit aussi, les familles se regroupent, se mélangent, s'agrandissent, La communauté italienne s'installe, s'intègre dans les bassins miniers puis industriels, et transmet peu à peu une part d'elle-même. Cette part d’elle-même fait quasi partie intégrante du quotidien liégeois. Pour preuve, certaines expressions, pas toujours courtoises certes, qui ont intégré le langage courant du Liégeois. Pour preuve encore, les quartiers d’Italiens, les restaurants et les commerces aux saveurs méditerranéennes qui fleurissent dans les artères de la ville. Liège aime ses Italiens, ses "ciccios" et ils lui rendent bien. Le stéréotype veut que l’on pense que l’Italien est un bon vivant qui préfère ne rien faire… Faux, ce stéréotype est valable pour beaucoup de nationalités! L’Italien est un bon vivant, tout comme le Liégeois, combatif, volontaire et imaginatif, passionné et passionnant. Il s’intègre au paysage tout en conservant ses propres valeurs de génération en génération. La Cité ardente compte de nombreux Italiens issus de plus de 60 ans d’immigration minière ou ouvrière, mais également artistique, économique et culturelle. Sans le savoir, nos Italiens contribuent à l’image de Liège en dehors de nos frontières. Les immigrants italiens de la nouvelle génération se sont installés à Liège par amour, pour affaires, pour apprendre, pour enseigner, pour diriger… Aujourd'hui, on doit regretter que le consulat d'Italie soit fermé, cher à notre ami, Marco Rusconni, le plus truculent des consuls d'Italie que la Cité ardente ait jamais eu. Lui qui était venu à Liège car c'est une des villes qui comptent le plus d'Italiens en-dehors de l'Italie!

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